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L'AUTRE ROUTE

2012

René Char ne voulait pas écrire de « poème d'acquiescement », Benjamin Forel ne fera pas de théâtre d'assentiment ou de convenance.

Théâtre de l'éphémère qui ne sera joué que quelques rares fois et qui chaque fois nous fera découvrir de nouveaux textes, L'Autre Route reste fidèle aux idéaux de Benjamin Forel qui s'applique à transporter le théâtre en dehors de l'espace théâtral.

 

Le Club-Théâtre / Lavoir  n'est en effet nullement un théâtre et pourtant il en fait un lieu de théâtralisation de tout type d'écriture : ici c'est un plaidoyer de Victor Hugo, là un poème de Sohrab Sepehri, un aphorisme de Sayd Bahodine Majrouh ou encore un texte d'Atiq Rahimi.

Le spectateur, mêlé quoiqu'il arrive à son siècle, percevra sans doute un écho aux récents événements qui se sont joués sur la scène du Proche et du Moyen-Orient et l'on serait tenté de chercher dans L'Autre Route un rôle politique voire révolutionnaire : nulle analyse ne serait plus sommaire. Benjamin Forel n'est pas ici penseur politique, il ne se fait pas le héraut d'un parti ou d'une école, ni l'illustrateur d'une quelconque idéologie, mais son analyse des rapports sociaux se lit à travers le choix des textes de Rahimi, Majrouh, Sepehri et Hugo. En 1877, dans un discours aux ouvriers lyonnais, ce dernier récusant la théorie d'une utilité directe de l'art, préférera l'idée d'une « conscience armée » à celle d'une littérature engagée ; Benjamin Forel s'emploie avec L'Autre Route à aiguiser cette conscience.

Aussi a-t-il fait le choix de la violence car reconnaissons-le, les textes de Rahimi, Majrouh, Sepehri et Hugo sont aussi beaux qu'ils sont durs et puissants. Bien différent du langage-calembour auquel le metteur en scène et ses comédiens nous avaient habitués dans Les Sonnets ou Edouard II, le langage poétique a renoncé à n'être qu'expression pour devenir acte et découverte.

 

Les partis pris de mise en scène importent très largement autant que les textes eux-mêmes, le silence que les quatre comédiens mutiques rendent incroyablement éloquent est notamment travaillé avec brio et justesse. Les textes s'en trouvent alors d'autant plus sublimés, ces textes qui n'ont pas été écrits pour le théâtre, ces textes dont l'ambition n'était pas d'être joués mais dont Benjamin Forel parvient à nous faire croire que le désir était bien de l'être. Le jeu de Thibault Guinamand, Simon Libeaut, Stéphane Perrichon et bien sûr Inès Plancher reste enfin à saluer car tous quatre livrent là une performance saisissante, tant violente que troublante.

Sans aucune condescendance et avec une attention toute particulière portée à l'impact produit par cette nouvelle création, Benjamin Forel met en scène le désir et la violence qui s'engouffre et semble se démultiplier, une violence qui aliène les hommes et gangrène plus d'un peuple au proche et moyen Orient mais aussi en Asie centrale dont est originaire Sepehri.

Benjamin Forel semble bien avoir compris que l'activité artistique était toujours volontairement ou non engagée, qu'elle ne se dissociait pas de l'Histoire et de la vie d'une société ; L'Autre Route, fragments de vies mais de vies volées, c'est quarante minutes à respirer avec ceux qui se taisent, à écouter ceux qui sont réduits au silence.

 

 

Charlotte Belleinguer

CRÉATION AUTOMNE 2012


mise en scène : Benjamin Forel
interprétation : Thibault Guinamand, Simon Libeaut, Stéphane Perrichon, Inès Plancher

costumes : Marie-Pierre Morel-Lab
lumières : Alexandre Bazan

réalisation scénique : Colin et Grégoire Plancher

régie plateau :Alexandre Bazan
production : Laure Femminino

affaires publiques : Manuèle Berry

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